Quand le jeu prend des formes multiples

Le jeu vidéo se conçoit de plus en plus largement et se limite de moins en moins à un simple produit. Chez CCP ou maintenant chez Trion Worlds, Nathan Richardsson s'est fait une spécialité de cette diversification.

Le nouvel employé de Trion, Nathan Richardsson, s'est entretenu avec GamesIndustry International sur sa collaboration avec SyFy et sur le besoin qu'ont les créateurs de se concentrer sur ce qu'il y a au delà du jeu. Lorsqu'il travaillait pour CCP, Nathan Richardsson avait pour tache d'intégrer deux jeux différents dans le même univers : le MMO spatial EVE Online et le jeu de tir multijoueur Dust 514. Son prochain défi sur le thème de l'intégration relève le niveau d'un cran puisqu'il rejoint Trion Worlds afin de superviser le développement de Defiance, le futur MMOTPS qui fonctionnera en tandem avec la série télé du même nom produite par la chaîne Syfy.

En tant que vice-président du développement et producteur exécutif sur Defiance, Richardsson sera responsable de la gestion de la relation de travail entre l'équipe de développement du jeu et SyFy. Il sera sous les ordres de Nick Beliaeff, vice-président senior du développement.

Defiance se prépare à être lancé sur la chaîne SyFy, PC, Xbox 360 et PlayStation 3 en Avril 2013. En plus d'une récente interview (disponible en français) dans le cadre de "Planète Devs", la série d'interview organisées par Trion Worlds, GamesIndustry international a pu récemment discuter avec Richardsson de l'avancée du projet en vue de cette date de sortie multi-plateforme, des difficultés de la collaboration cross-média et de l'avenir du MMO.

L'intégralité de l'interview est disponible (en anglais) à cette adresse. Ce qui suit est une traduction de notre équipe rédactionnelle JoL Defiance.

Q : Comment votre expérience antérieure vous a-t-elle préparé pour ce qui vous attend avec Defiance ?

Nathan Richardsson : je pense que j'ai pas mal de chance d'avoir collaboré avec des gens formidables qui créent des mondes en ligne et, avant cela, j'ai fait du développement de produits dans un autre secteur de l'industrie. Je pense qu'une bonne part de cette expérience est applicable à ce que nous essayons de réaliser avec Defiance. J'aimerais insister également sur quelque chose de primordial que j'ai appris : la chose la plus importante pour survivre est la capacité à s'adapter, à être en mesure de réagir rapidement aux changements.

Vous pouvez jeter beaucoup de mots à la mode dans le développement pur, prototypage rapide, Kanban (désolé pour ces mots à la mode vieillissants), mais à bien y regarder, beaucoup de ce que nous avons fait chez CCP et de ce qui s'est passé dans l'industrie des télécommunications était en réaction au changement, que ce soit celui du client ou de l'environnement - ou tout simplement de nous-même.

Pour que cette image soit complète, il ne faut pas oublier les prévisions, les données axée sur la prise de décision et les bons instincts de la vieille école. Mais tout cela ne vaut rien sans la réactivité.

Q : D'après vous, quel sera le plus grand défi pour faire un MMO en lien avec une série de télévision ?

Nathan Richardsson : le fait d'exister conjointement. Il y a tellement d'histoires et de traditions à prendre en compte pour les deux parties, ou même tout simplement sur les différentes façons de produire du contenu. Nous avons beaucoup d'idées, des idées différentes, des idées merveilleuses, mais elles ne se correspondent pas toujours. Donc, il faut piocher et choisir et cela ne convient pas toujours à tous.

Pour la saison 1, nous faisons aussi beaucoup de choses qui n'ont jamais été faites auparavant à ce niveau mais déjà nous pensons : "Hé ! Ne serait-ce pas cool de faire ça ?", et nous nous disons tous "wohoo clairement !". Mais nous devons tous respecter notre ligne directrice, car ce n'est tout simplement pas encore possible. Cependant, nous avons le luxe de garder cette idée pour la saison 2 et ainsi la préparer avec un délai suffisant pour le prochain pan du scénario. Cela peut aller jusqu'à changer la manière dont nous produisons. Mais comme on dit, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs.

Q: Comment allez-vous gérer les situations où les intérêts de la série et ceux du jeu pourraient être en conflit ?

Nathan Richardsson : cela s'est déjà produit et ce que nous faisons, c'est nous poser la question de l'impact sur le calendrier. Afin de respecter les différents impératifs de délai définis par les investisseurs pour la diffusion de la première saison de la série, le choix a souvent été de s'adapter à l'émission de télévision.

En dehors de cette diffusion initiale de l'émission, il y a beaucoup plus de liberté dans la chronologie qui sera principalement définie par le jeu. Il s'agit maintenant de déterminer ce qui se passe dans la saison 2. En fin de compte c'est comme dans toute relation, il faut toujours essayer de mettre en avant toutes les parties, mais parfois, l'un a quelque chose à donner et l'autre à recevoir. C'est amusant de voir que le monde fonctionne toujours ainsi.

Q : Le retard des lancements de MMO est particulièrement fréquent. Êtes-vous confiant quant à votre capacité à être prêts à temps pour le lancement de la série en avril 2013 ?

Nathan Richardsson : cette industrie n'est effectivement pas habituée aux projets avec une échéance fixe mais je suis très confiant puisque Defiance est en développement depuis déjà plusieurs années. Nous sommes en alpha, tournons sur PC, Xbox 360, Playstation 3 et nous sommes sur le point d'entamer notre période de bêta. Nous avons beaucoup de réglages à faire sur les fonctionnalités et le contenu, et je crois que notre défi ne sera pas de viser la date, mais de s'assurer que nous avons fait les bons réglages pour être non seulement dans les temps mais aussi que ce soit une expérience formidable. Nous avons un plan, nous avons de plus en plus de visibilité et nous avons la capacité de répondre au changement.

Q: Si quelque chose arrive à la série ou au MMO, pourront-ils exister l'un sans l'autre?

Nathan Richardsson : tout à fait. Même si nous avons de grands projets et des ambitions énormes, nous ne sommes pas ignorants de l'investissement que nous faisons ni des risques encourus. Les deux peuvent exister sans l'autre, car si on y pense, c'est tout un calendrier évolutif où les joueurs et nous avons une incidence de différentes manières. Le fait que plus - ou moins - d'intervenants seront en mesure d'influer sur l'évolution du monde dans le temps est prévu dans notre stratégie. Donc, légèrement fous, nous le sommes certainement. Inconscients par contre, non. Enfin... la plupart du temps, non.

Q: Donc, c'est un monde où Saint-Louis est plein de personnages dramatiques, mais où San Francisco n'accueille que des bandes lourdement armées qui se tirent dessus à l'infini. Comment ces deux scénarios peuvent-il résonner d'une même voix ?

Nathan Richardsson : c'est en fait pour favoriser cette synergie qu'il y a ces deux lieux. D'un côté, vous avez la nouvelle frontière où San Francisco est une sorte de Far West tandis que Saint-Louis est un canton plus établis et où se construit l'avenir. Une partie de notre intention était aussi de laisser, aux joueurs comme au scénario, une liberté en terme de créativité, particulièrement quand nous irons de l'avant et quand nous ouvrirons de nouveaux espaces du jeu, ce que nous ferons régulièrement au cours de l'année. Nous ne voulions pas nous limiter dès le début. L'idée paraissait bonne à l'époque.

Q : The Old Republic a changé très vite de modèle économique et Mists of Pandaria est la première extension de World of Warcraft à enregistrer une baisse des ventes par rapport à la précédente. Est-ce que les MMO sont sur le déclin ?

Nathan Richardsson : je pense qu'il est dangereux, en tant qu'industrie, de ne prendre en compte que ces deux exemples. Ils sont très différents et distincts dans leur nature et nous pourrions en nommer d'autres qui ne fonctionnent purement et simplement pas, mais je ne pense pas que seul le modèle économique soit à mettre en cause. Ils ont tous eu le choix de faire les choses différemment. Le genre "massivement en ligne" n'est certainement pas sur le déclin, mais je pense que le terme "MMO" l'est beaucoup plus. Il devient de moins en moins utilisé, il y a une certaine stigmatisation autour de lui et de ce point de vue, vous auriez probablement associé très fortement SWTOR et World of Warcraft avec le plus traditionnel "MMO purement à abonnés". Mais il suffit de regarder les nouveaux genres qui surgissent et qui sont absolument grandioses, qui ne se cantonnent pas au schéma classique du genre.

Cela étant dit, je ne pense pas que quiconque renie les ventes de Mists ou les opportunités de Star Wars, mais je pense qu'il y a ici quelque chose que de nombreuses personnes ont manqué, c'est que le "jeu pure au sens strict" ne fonctionne plus et il faut se distinguer de la masse. Et cela signifie que lors de la création du jeu, le service, la distribution, l'exploitation, le modèle économique doivent être prévus... dès le départ, et non après coup.

Q: Quel sera le modèle économique utilisé pour Defiance?

Nathan Richardssonnous allons fournir un certain nombre de choix afin que le client puisse choisir s'il désire payer et si oui, comment et quoi. Comment nous présenterons cela concrètement ? Cela reste à voir : nous modifions encore certains facteurs suite aux différents commentaires qui nous parviennent. Cependant, ce sera un modèle économique hybride, c'est presque certain.

Q : Defiance a été annoncé comme compatible Xbox 360, PS3 et PC. Étant donné l'actuel cycle de vie des consoles, la difficulté de faire un MMO dans l'absolu, et le bilan atroce des MMO annoncés mais jamais réellement finalisés sur consoles, pourquoi serait-il pertinent de cibler la 360 et la PS3 pour celui-ci ?

Nathan Richardsson : en plus d'être légèrement fou et d'aimer les défis, je pense que Trion a décidé très tôt qu'il voulait briser la malédiction des jeux "massivement multijoueur" sur consoles. Beaucoup d'entreprises essaient et nous croyons que celui qui arrivera à émerger dans ce milieu ouvrira un grand nombre de nouvelles opportunités sur console en général.

Le cycle de vie en soi n'est pas un problème. Je nous vois facilement créer des clients de jeu pour de nouvelles consoles qui se connecteront alors simplement à un même univers pour jouer. Pour nous, ce sera simplement plus de supports, plus de plates-formes et cela permettra d'élargir le champ de l'expérience Defiance.

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Source : http://www.gamesindustry.biz/articles/2012-10-11-pure-play-not-working-anymore-says-defiance-dev

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